16

 

 

— Voici le Rocher aux Reflets, dit Jondalar. Prévoyais-tu de t’arrêter à la Partie Sud de la Vingt-Neuvième Caverne, Zelandoni ?

Le petit groupe composé de trois humains, de trois chevaux et d’un loup fit halte près de la Rivière, devant l’impressionnante falaise calcaire divisée en cinq et, par endroits, six niveaux. Des bandes noires verticales de manganèse, fréquentes dans la région, donnaient à sa façade un aspect distinctif. Ayla détecta un mouvement parmi ceux qui les observaient d’en haut et qui ne semblaient pas particulièrement désireux de les accueillir. Ayla se souvint que plusieurs membres de cette Caverne, dont le chef, étaient effrayés par Loup et les chevaux.

— Il y a apparemment un certain nombre de personnes qui ne sont pas allées à la Réunion d’Été, répondit la Première. Mais nous avons rendu visite à cette Caverne l’année dernière alors que nous ne l’avons pas fait pour la Cinquième. Je pense qu’il vaut mieux continuer.

Ils longèrent la berge en empruntant la même piste que l’année précédente pour gagner l’endroit où le cours d’eau s’élargissait et devenait moins profond, plus facile à traverser. S’ils avaient prévu de suivre la Rivière et s’ils s’y étaient préparés avant leur départ, ils auraient pu remonter vers l’amont sur un radeau en s’aidant de perches. Ils auraient pu aussi longer la rive à pied, ce qui les aurait obligés à se diriger plein nord puis vers l’est lorsque la Rivière entamait une large courbe et décrivait une boucle, ensuite vers le sud et de nouveau vers l’est, pour suivre une autre boucle qui repartait finalement vers le nord : une marche d’une quinzaine de kilomètres. Après les boucles, la piste épousait des courbes plus douces de la rivière serpentant vers le nord-est.

Il y avait quelques petits lieux habités près de la partie nord de la première boucle mais la Première avait l’intention de rendre visite à un groupe plus nombreux établi à l’extrémité sud de la deuxième boucle : la Cinquième Caverne des Zelandonii, parfois appelée Vieille Vallée. Il était plus facile d’y parvenir en coupant droit plutôt qu’en suivant les méandres. En partant du Rocher aux Reflets, sur la rive gauche de la Rivière, la Cinquième n’était à vol d’oiseau qu’à un peu moins de cinq kilomètres à l’est et légèrement au nord, quoique la piste, qui traversait un terrain vallonné par le chemin le plus facile, ne fût pas aussi directe.

Lorsqu’ils parvinrent à l’endroit peu profond de la Rivière qu’ils cherchaient, ils firent de nouveau halte. Jondalar sauta du dos de Rapide et dit à la Première :

— À toi de choisir. Tu veux descendre et traverser en pataugeant ou rester sur ton siège ?

— Je ne sais pas. Je crois que vous êtes mieux placés que moi pour décider.

— Qu’en penses-tu ? demanda Jondalar à sa compagne.

Ayla, qui ouvrait la marche sur la jument, sa fille attachée devant elle dans la couverture à porter, se retourna pour regarder les autres.

— L’eau ne semble pas très profonde, mais elle l’est peut-être à certains endroits et tu pourrais te retrouver assise dans l’eau, dit-elle à la Première.

— Si je traverse à pied, je serai mouillée de toute façon, argua la doniate. Je crois que je vais essayer de voir si je reste au sec sur ce siège.

Ayla leva les yeux vers le ciel.

— C’est une chance que la rivière soit basse en ce moment. Je pense qu’il va pleuvoir ou… je ne sais pas. J’ai l’impression qu’il se prépare quelque chose.

Jondalar remonta sur Rapide et Zelandoni resta sur le travois. Pendant la traversée, les chevaux eurent de l’eau jusqu’au ventre et les deux cavaliers les mollets mouillés. Loup dut nager sur une courte distance et s’ébroua sur la rive opposée. Mais le travois flotta en partie et l’eau était effectivement basse. Mis à part quelques éclaboussures, la Première fut épargnée.

Après avoir franchi la Rivière, ils suivirent une piste bien marquée qui s’écartait de la berge, escaladait une colline, rejoignait une autre piste à son sommet arrondi puis redescendait l’autre versant et prenait le raccourci habituel. Pendant le trajet, la Première leur livra des informations sur la Caverne et son histoire, et bien que Jondalar en connût déjà la plupart, il écouta attentivement. Ayla aussi en avait déjà entendu quelques-unes, mais beaucoup étaient nouvelles pour elle.

— D’après le mot à compter de son nom, vous savez que la Cinquième est le troisième groupe zelandonii le plus ancien qui existe encore, commença la doniate, du ton qu’elle prenait pour former les acolytes. Seules la Deuxième et la Troisième Cavernes l’ont précédée. Si les Histoires et Légendes des Anciens parlent de la Cinquième, nul ne sait ce qu’il est advenu de la Quatrième. Beaucoup pensent qu’une maladie l’a décimée, ou qu’un profond désaccord a incité un certain nombre de ses membres à la quitter pour rejoindre une autre Caverne. Ce genre d’événement n’est pas rare, comme en attestent les mots à compter des noms de Cavernes disparues. Les Histoires de la plupart des Cavernes mentionnent l’intégration de nouveaux membres ou le départ pour un autre groupe, mais nous ne savons rien sur la Quatrième. D’aucuns imaginent qu’une terrible tragédie a causé la mort de tous ses membres.

La Première continua ainsi, tout en songeant qu’Ayla, en particulier, avait besoin d’en apprendre le plus possible sur son peuple d’adoption puisqu’elle serait appelée un jour à transmettre ces connaissances aux jeunes de la Neuvième Caverne. La jeune femme écoutait, fascinée, en n’observant que d’un œil la piste qu’ils suivaient, guidant inconsciemment Whinney d’une pression du genou ou d’un changement de position tandis que la Première parlait derrière elle et, quoique lui tournant le dos, se faisait parfaitement entendre.

La Cinquième Caverne était située dans une agréable petite vallée séparant des falaises calcaires sous un haut promontoire. Elle était traversée en son milieu par un ruisseau né d’une source vive et se jetant dans la Rivière quelques centaines de mètres plus loin. Les hautes parois qui se dressaient de chaque côté du cours d’eau offraient neuf abris de pierre aux dimensions variées, certains très hauts, mais tous n’étaient pas habités. Aussi loin que remontait la mémoire des Zelandonii, l’endroit avait été peuplé, ce qui expliquait son nom de Vieille Vallée. Les Histoires et Légendes des Anciens témoignaient des liens que de nombreuses Cavernes avaient noués avec la Cinquième.

Chacune des Cavernes du territoire des Zelandonii était essentiellement indépendante et capable de subvenir à ses besoins élémentaires. Ses membres pouvaient chasser, pêcher et pratiquer la cueillette, non seulement pour survivre mais pour vivre bien. Ils constituaient la société la plus avancée de la région et peut-être du monde de leur époque. Les Cavernes coopéraient parce qu’elles avaient intérêt à le faire. Elles organisaient parfois des expéditions de chasse communes, en particulier pour le gros gibier comme le mammouth et le mégacéros, ou pour des animaux dangereux comme le lion des cavernes. Périls et résultats étaient partagés. Leurs membres se rassemblaient parfois en grand nombre pour cueillir une abondance de fruits ou de baies pendant la brève période de maturité avant que cette nourriture perde de sa fraîcheur.

Le groupe le plus nombreux fournissait aux autres les compagnes et les compagnons dont ils avaient besoin et les Cavernes échangeaient des objets non parce qu’elles y étaient contraintes mais parce qu’elles appréciaient ce que d’autres fabriquaient. Ces objets étaient assez semblables d’un groupe à l’autre pour être compris mais présentaient une diversité intéressante, et quand un événement imprévu survenait, il pouvait être bon d’avoir des amis ou des parents à qui demander de l’aide. Dans ces régions proches des grands glaciers, où les hivers étaient très rigoureux, la situation pouvait souvent se dégrader.

Chaque Caverne avait tendance à se spécialiser dans un domaine, en partie à cause de l’endroit où elle vivait, en partie parce que certains de ses membres avaient maîtrisé une technique et l’avaient transmise à leurs proches. La Troisième Caverne passait pour posséder les meilleurs chasseurs, sans doute parce qu’elle était située au confluent de deux rivières dont les plaines inondables, à l’herbe grasse, attiraient toute une variété d’animaux migrateurs, et parce que du haut de leur falaise, les membres de la Troisième étaient généralement les premiers à les repérer. Considérés comme les meilleurs, ils cherchaient constamment à améliorer leurs techniques de chasse et d’observation. Si le troupeau repéré était nombreux, ils conviaient les Cavernes voisines à une chasse commune. S’il n’y avait que quelques animaux, ils les abattaient eux-mêmes mais les partageaient souvent avec leurs voisins, notamment pendant les rassemblements ou les fêtes.

Les Zelandonii de la Quatorzième étaient des pêcheurs exceptionnels. Chaque Caverne pratiquait la pêche, mais les membres de la Quatorzième s’étaient spécialisés dans la capture du poisson. Le torrent qui coulait au milieu de leur vallée prenait naissance des kilomètres plus haut et abritait plusieurs variétés de poissons, en plus de servir de frayère au saumon pendant sa période de reproduction. Ils pêchaient aussi dans la Rivière en utilisant diverses méthodes : filets, harpons, barrages, hameçons droits aux deux extrémités pointues.

L’abri de pierre de la Onzième Caverne étant à la fois proche de la Rivière et des bois, ses membres avaient mis au point des techniques de fabrication de radeaux qu’ils se transmettaient et amélioraient au fil des générations. Ils remontaient ou descendaient la Rivière à la perche pour transporter leurs propres biens ou ceux d’autres Cavernes, leurs voisins contractant ainsi envers eux des obligations qu’ils pouvaient échanger contre d’autres biens et services.

La Neuvième Caverne était située près d’En-Aval, lieu où se regroupaient les artisans locaux. Beaucoup d’entre eux finissaient par rejoindre la Neuvième, ce qui expliquait pourquoi elle était si nombreuse. Pour se procurer un outil ou un couteau spécial, des panneaux de cuir brut utilisés pour construire des habitations, de la corde solide ou du fil fin, des vêtements et des tentes, ou des matériaux pour en fabriquer, des récipients en bois ou en jonc tressé, la peinture ou la gravure d’un cheval, d’un bison ou d’un autre animal, ou n’importe quel objet artisanal, il fallait s’adresser à la Neuvième.

La Cinquième Caverne se considérait en revanche comme autonome dans tous les domaines. Elle comptait en son sein des chasseurs, des pêcheurs et des artisans talentueux. Elle fabriquait même des radeaux et prétendait les avoir inventés, quoique la Onzième lui disputât ce mérite. Leurs doniates étaient très respectés et l’avaient toujours été. Plusieurs des grottes de leur petite vallée étaient ornées de peintures et de gravures d’animaux, dont certaines en haut relief.

Pour la plupart des autres Zelandonii, toutefois, la Cinquième Caverne était spécialisée dans la fabrication de bijoux et de perles. Si quelqu’un cherchait un nouveau collier ou différentes sortes de perles à coudre sur un vêtement, il s’adressait souvent à la Cinquième. Ses artisans fabriquaient des perles d’ivoire, perçaient des trous dans les racines de dents d’animaux – celles des renards et des cerfs étaient les plus prisées – pour en faire des pendants et se débrouillaient pour se procurer des coquillages provenant des Grandes Eaux de l’Ouest et de la Mer Méridionale.

Lorsque les voyageurs de la Neuvième parvinrent à la petite vallée de la Cinquième, ils furent rapidement entourés par des Zelandonii sortant de plusieurs refuges de pierre situés de part et d’autre du ruisseau. L’un, possédant une large ouverture, faisait face au sud-ouest, un autre se trouvait plus au nord, d’autres encore sur le versant opposé de la vallée. Les visiteurs furent étonnés de voir un tel attroupement : ou une bonne partie des membres de la Caverne avait décidé de n’aller à aucune Réunion d’Été, ou ils n’y étaient pas restés longtemps.

Curieux, ceux-ci se dirigèrent vers le petit groupe, sans toutefois trop s’approcher, intimidés ou retenus par un reste de peur. Jondalar était pour tous les Zelandonii une figure familière, à l’exception de ceux qui étaient encore très jeunes lorsqu’il était parti. Tout le monde savait qu’il était revenu d’un long voyage, tous avaient vu la femme et les animaux qu’il avait ramenés, mais le groupe insolite formé par Jondalar, l’étrangère et son bébé, le loup, les trois chevaux, dont une pouliche, et Celle Qui Était la Première, installée sur un siège tiré par l’un des chevaux, fit encore une fois forte impression. Pour beaucoup, il y avait quelque chose d’étrange, de surnaturel, dans le comportement docile de ces animaux qui auraient normalement dû s’enfuir.

L’un des premiers à les apercevoir avait couru prévenir le Zelandoni de la Cinquième Caverne, qui les attendait maintenant devant l’abri de droite avec un sourire de bienvenue. Mûr mais encore dans la force de l’âge, il avait de longs cheveux bruns ramenés en arrière et enroulés autour de sa tête en une coiffure complexe. Ses tatouages faciaux, marques de sa position éminente, étaient plus recherchés qu’ils n’auraient dû l’être, mais il n’était pas le premier doniate à arborer des tatouages un peu trop ornés. Il y avait en lui de la rondeur et son visage charnu faisait paraître ses yeux plus petits, ce qui lui donnait un air intelligent et rusé qui n’était pas entièrement sans fondement.

Au début, la Première avait porté sur lui un jugement réservé, ne sachant pas si elle pouvait lui faire confiance, ne sachant pas même si elle avait de la sympathie pour lui. Il défendait son avis avec vigueur, y compris lorsqu’il était opposé à celui de la Première, mais il avait fini par faire la preuve de sa loyauté et, dans les réunions ou les conseils, elle avait appris à compter sur la justesse de ses points de vue. Ayla avait été partagée à son sujet, elle aussi, mais, après avoir appris que la Première avait bonne opinion de lui, elle inclinait davantage à lui faire confiance.

Derrière lui se tenait un homme dont Ayla s’était méfiée dès qu’elle l’avait rencontré. Né à la Neuvième Caverne, Madroman avait rejoint la Cinquième, dont il était manifestement devenu un acolyte. Le Zelandoni de la Cinquième Caverne en avait plusieurs, et bien que Madroman fût parmi les plus anciens, il n’avait pas accédé au rang de premier. Jondalar était même étonné qu’on l’ait accepté dans la Zelandonia.

Lorsque Jondalar, dans sa jeunesse, s’était épris de la Première, qui était alors acolyte et s’appelait Zolena, un autre jeune homme, nommé Ladroman, avait voulu avoir Zolena comme femme-donii. Jaloux, il les avait épiés et avait entendu Jondalar tentant de persuader Zolena de devenir sa compagne. Les femmes-donii étaient censées éviter ce genre de situation : les jeunes gens qu’elles initiaient aux Plaisirs étaient considérés comme vulnérables face à des femmes plus âgées et plus expérimentées. Mais Jondalar était grand, mûr pour son âge, incroyablement beau et charismatique avec ses extraordinaires yeux bleus, et si attirant qu’elle ne l’avait pas repoussé immédiatement.

Ladroman avait averti la Zelandonia et tous les autres que Jondalar et Zolena enfreignaient un interdit. Découvrant que Ladroman les avait épiés et dénoncés, Jondalar s’était battu avec lui. Le scandale avait éclaté, non seulement à cause de cette liaison mais parce que, au cours du combat, Jondalar avait fait tomber deux dents de devant de Ladroman. Depuis, il zézayait et avait des difficultés à mordre. La mère de Jondalar, qui était alors chef de la Neuvième Caverne, avait dû verser de lourdes indemnités pour l’écart de conduite de son fils.

Elle avait aussi décidé de l’envoyer vivre chez Dalanar, l’homme dont elle était la compagne quand son fils était né, l’homme du foyer de Jondalar. Bouleversé dans un premier temps, Jondalar avait fini par lui être reconnaissant de cette décision. La punition – c’en était une, selon lui, alors que sa mère y voyait plutôt une période d’attente pendant laquelle les choses s’arrangeraient et les gens oublieraient – avait fourni à Jondalar l’occasion de connaître Dalanar. Les deux hommes se ressemblaient beaucoup, non seulement sur le plan physique mais dans leurs aptitudes, en particulier pour tailler le silex. Dalanar lui en avait appris la technique en même temps qu’à Joplaya, sa cousine, la superbe fille de la nouvelle compagne de Dalanar, Jerika, la plus exotique des femmes que Jondalar ait jamais connues. Ahnlay, la mère de Jerika, avait accouché d’elle pendant le long Voyage qu’elle avait fait avec son compagnon et était morte près de la mine de silex que Dalanar avait découverte. Mais ce compagnon, Hochaman, avait survécu pour réaliser son rêve.

C’était un Grand Voyageur qui avait marché des Mers Infinies de l’Est aux Grandes Eaux de l’Ouest, même si Dalanar avait dû vers la fin le porter sur son dos. Lorsqu’il avait ramené Jondalar à la Neuvième Caverne, quelques années plus tard, Dalanar avait poussé plus loin à l’ouest uniquement pour que le frêle vieillard, Hochaman, puisse contempler une dernière fois les Grandes Eaux, juché de nouveau sur les épaules de Dalanar. Hochaman avait fait seul les derniers pas et, parvenu au bord de l’océan, il était tombé à genoux pour laisser les vagues le baigner et en goûter le sel. Jondalar avait appris à aimer les Lanzadonii et s’était félicité de son exil parce qu’il avait trouvé un second foyer.

Jondalar savait que la Première n’avait elle non plus aucune sympathie pour Ladroman après les ennuis qu’il leur avait causés mais qui, d’une certaine façon, avaient renforcé sa vocation d’acolyte. « Zolena » était devenue une remarquable doniate appelée au rang de Première juste avant que Jondalar n’entreprenne son Voyage avec son frère. À vrai dire, cela avait été un des motifs de son départ. Il nourrissait encore de profonds sentiments pour elle et savait qu’elle ne deviendrait jamais sa compagne. Il avait été étonné d’apprendre, cinq ans plus tard, à son retour avec Ayla et ses animaux, que Ladroman avait changé son nom en Madroman – Jondalar ne comprenait pas pourquoi – et avait été admis dans la Zelandonia. Quelle qu’ait été la personne qui l’avait proposé, Celle Qui Était la Première avait dû l’accepter.

— Salutations ! s’exclama le Zelandoni de la Cinquième Caverne en tendant les bras vers la Première qui descendait du travois spécial. Je ne pensais pas avoir l’occasion de te voir cet été.

Elle lui prit les mains, se pencha pour presser sa joue contre la sienne.

— Je t’ai cherché à la Réunion d’Été, mais on m’a dit que tu participais à une réunion différente avec plusieurs Cavernes voisines de la Cinquième.

— On t’a dit vrai. C’est une longue histoire que je te raconterai plus tard si tu veux l’entendre.

De la tête, elle acquiesça et il reprit :

— Mais d’abord, il faut trouver un endroit où vous pourrez vous installer, toi et tes… euh… compagnons de voyage.

Il eut un regard appuyé en direction des chevaux et du loup puis mena le petit groupe de l’autre côté du ruisseau. Tandis qu’ils s’engageaient sur le sentier qui le longeait, il poursuivit ses explications :

— Essentiellement, il s’agissait de resserrer nos liens d’amitié avec les Cavernes proches. Ce fut une petite Réunion d’Été et nous avons rapidement tenu les cérémonies nécessaires. Notre Homme Qui Commande et plusieurs membres de notre Caverne sont partis chasser avec nos voisins, d’autres ont rendu des visites et le reste est revenu ici. J’ai un acolyte qui termine son année d’observation des couchers du soleil et des phases de la lune et je voulais être présent pour la fin. Mais toi, que fais-tu ici ?

— Je forme aussi un acolyte. Tu connais Ayla, dit la Première en indiquant la jeune femme qui se tenait à côté d’elle, tu as peut-être appris qu’elle est devenue mon nouvel acolyte. Nous venons d’entamer son Périple de Doniate et j’ai tenu à ce qu’elle voie vos lieux sacrés.

Les deux membres éminents de la Zelandonia échangèrent un signe de tête pour prendre acte de leurs responsabilités respectives.

— Il me fallait un autre acolyte après le départ de Jonokol pour la Dix-Neuvième Caverne, continua la Première. Je crois qu’il est tombé amoureux de la nouvelle grotte sacrée découverte par Ayla. Il a toujours été d’abord un artiste, mais il met maintenant tout son cœur dans la Zelandonia. La doniate de la Dix-Neuvième ne se porte pas très bien. J’espère qu’elle vivra assez longtemps pour achever de le former comme il se doit.

— Il était ton acolyte, je suis sûr qu’il était déjà formé avant son départ.

— Oui, il avait reçu une formation mais cela ne l’intéressait pas vraiment quand il était mon acolyte. Il montrait un tel talent pour créer des images que j’ai tenu à l’avoir dans la Zelandonia, mais sa passion était ailleurs. Il était brillant, il apprenait vite et cependant il se satisfaisait de rester un acolyte, il n’avait aucun vrai désir de devenir Zelandoni avant qu’Ayla lui montre la Grotte Blanche. Il a alors changé. En partie parce qu’il voulait en décorer les parois, j’en suis certaine, mais pas seulement. Pour s’assurer que ses images conviendraient vraiment à ce lieu sacré, il a pris au sérieux son appartenance à la Zelandonia. Ayla a dû le sentir parce que, après avoir découvert la grotte, elle a souhaité me la montrer mais il était plus important pour elle que Jonokol la voie.

Le Zelandoni de la Cinquième se tourna vers Ayla.

— Comment as-tu découvert la Grotte Blanche ? As-tu utilisé ta Voix ?

— Ce n’est pas moi qui l’ai trouvée, c’est Loup. Il trottait sur un flanc de colline recouvert de mûriers quand il a soudain disparu dans un trou derrière les broussailles. Je suis revenue sur mes pas pour le chercher, j’ai écarté les broussailles, je l’ai suivi. Quand je me suis rendu compte que c’était une grotte, je suis ressortie, je me suis fabriqué une torche et je suis retournée à l’intérieur. J’ai alors compris ce qu’était cet endroit et je suis allée prévenir la Première et Jonokol.

Cela faisait quelque temps que le Zelandoni de la Cinquième n’avait pas entendu Ayla parler et l’accent de la jeune femme le surprit de nouveau, ainsi que les autres membres de sa Caverne, y compris Madroman. L’acolyte se rappelait la ferveur avec laquelle Jondalar avait été accueilli à son retour avec la belle étrangère. Cela n’avait fait qu’attiser sa haine.

C’est toujours lui qu’on remarque, toujours lui qui plaît aux femmes, ruminait Madroman. Je me demande ce qu’elles lui trouveraient s’il lui manquait deux dents de devant. Sa mère a payé pour lui, mais ça ne m’a pas rendu mes dents.

Pourquoi a-t-il fallu qu’il revienne de son Voyage et qu’il ramène cette femme ? Et toutes ces histoires pour elle et ses animaux ! Je suis acolyte depuis des années mais la Première ne voit qu’elle. Et si elle devenait Zelandoni avant moi ? En plus, c’est à peine si elle s’est intéressée à moi quand nous avons fait connaissance, l’année dernière. Et elle continue à m’ignorer.

Il souriait en retournant ces pensées dans sa tête mais pour Ayla, qui ne le regardait pas directement et l’observait cependant à la dérobée comme l’aurait fait une femme du Clan, en constatant tout ce que son corps exprimait inconsciemment, ce sourire était hypocrite et sournois. Elle se demanda pourquoi le Zelandoni de la Cinquième l’avait pris pour acolyte. Se pouvait-il que Madroman ait réussi à duper un homme aussi rusé ? Elle glissa un nouveau coup d’œil dans sa direction et le surprit à la fixer d’un regard si malveillant qu’elle en frissonna.

— Je suis heureux de voir que tu as un nouvel acolyte, dit le Zelandoni de la Cinquième à la Première, mais je continue à m’étonner que tu n’en aies qu’un. Moi j’en ai toujours plusieurs et j’envisage en ce moment d’en prendre un de plus. Tous les acolytes n’ont pas la capacité de devenir Zelandoni et si l’un renonce, j’en ai toujours un autre sous la main. Tu devrais y réfléchir… Mais ce n’est pas à moi de te donner des conseils.

— Non, tu as raison, je devrais y réfléchir. J’ai toujours en vue plusieurs personnes qui pourraient faire un bon acolyte, mais j’ai tendance à attendre d’avoir besoin d’en prendre un. Le problème, pour la Première parmi Ceux Qui Servent la Grande Terre Mère, c’est d’être responsable de plus d’une Caverne, et je n’ai pas beaucoup de temps à consacrer à la formation des acolytes, alors je préfère me concentrer sur un seul. Avant de quitter la Réunion d’Été, j’ai dû faire un choix entre mes responsabilités envers toutes les Cavernes et l’obligation de former le prochain doniate de la Neuvième. La dernière Matrimoniale n’avait pas encore été célébrée, mais puisqu’il ne restait que quelques couples à unir et que je savais que la Zelandoni de la Quatorzième pouvait s’en charger, j’ai estimé qu’il était plus important d’entamer le Périple de Doniate d’Ayla.

— Je suis sûr qu’elle a été ravie de te remplacer, répondit le Zelandoni de la Cinquième Caverne d’un ton à la fois méprisant et ironique.

Il était au courant des problèmes que la Première avait avec la Zelandoni de la Quatorzième, qui non seulement convoitait sa place mais estimait la mériter.

— Tous les Zelandonia l’auraient été, poursuivit-il. Ils sont sensibles au prestige de cette haute fonction mais n’en voient pas toujours la difficulté… et je ne fais pas exception.

Les abris de pierre qui les entouraient avaient été creusés par le vent, la pluie et l’érosion pendant des millénaires. Quelques-uns seulement étaient occupés, d’autres servaient de remise, d’endroit pour exercer tranquillement un artisanat, de lieu de rencontre pour un couple qui voulait être seul. On en réservait généralement un pour loger les visiteurs.

— J’espère que vous y serez bien, dit le Zelandoni de la Cinquième en les conduisant à l’un des abris de pierre proches du bas de la falaise.

Il se révéla spacieux, avec un plafond haut, une entrée large mais protégée de la pluie. Près d’une des parois, plusieurs coussins en mauvais état jonchaient le sol et des cercles de cendres noires entourés de pierres indiquaient que les occupants précédents avaient fait du feu.

— Je vous fais envoyer de la nourriture et de l’eau. Si vous avez besoin d’autre chose, prévenez-moi.

— Cela me paraît parfait, répondit la Première. Vous voulez autre chose ? demanda-t-elle à ses compagnons.

Jondalar secoua la tête, alla détacher le travois de Rapide pour le soulager de son fardeau et commença à décharger leurs affaires. Il avait l’intention de dresser la tente à l’intérieur de l’abri pour l’aérer sans qu’elle soit mouillée. Ayla prévoyait de la pluie et il faisait confiance à son sens du changement de temps.

— Juste une chose, dit Ayla. Est-ce que nous pourrions amener les chevaux dans l’abri ? J’ai vu des nuages s’amonceler au loin, je crois que nous allons avoir de la pluie… ou autre chose. Les chevaux aiment être au sec, eux aussi.

Au moment où Jondalar l’amenait, le jeune étalon lâcha derrière lui des boules de crottin brunes dégageant une forte odeur.

— Faites comme vous voulez, répondit le Zelandoni de la Cinquième avec un sourire narquois. Si cela ne vous dérange pas, cela ne dérangera personne.

Plusieurs autres membres de la Caverne sourirent aussi. Voir un de ces animaux si dociles et si fascinants satisfaire un besoin naturel les rendait moins magiques. Ayla avait remarqué les réactions réservées de la Caverne à leur arrivée et se réjouissait que Rapide ait choisi ce moment pour montrer qu’il n’était qu’un cheval.

La Première examina les coussins. Certains étaient en cuir, d’autres en fibres végétales tressées – feuilles de roseau ou de jonc –, plusieurs perdaient leur bourre par une déchirure ou un coin usé, ce qui expliquait pourquoi on les avait laissés dans un abri rarement utilisé. Elle les frappa contre la paroi pour les débarrasser de leur poussière puis les empila près de l’endroit où Jondalar avait posé la tente repliée. Ayla fit passer sa fille dans son dos pour pouvoir aider son compagnon à la monter.

— Je m’occupe d’elle, dit la femme obèse.

Elle surveilla Jonayla tandis que Jondalar et Ayla installaient la tente devant l’un des cercles sombres cernés de pierres et disposaient sur le sol le matériel servant à allumer rapidement un feu. Ils étendirent ensuite leurs fourrures de couchage, rentrèrent le reste de leurs affaires dans l’abri. Enfin, ils traînèrent les deux travois au fond du refuge, poussèrent les crottes de Rapide dehors et installèrent les chevaux.

Des enfants les observaient sans oser s’approcher, sauf une fillette chez qui la curiosité prit finalement le dessus. En la regardant se diriger vers elle, la Première estima qu’elle devait compter neuf ou dix ans.

— Je peux prendre le bébé ? demanda l’enfant. Je peux ?

— Si elle est d’accord, répondit la doniate. Elle sait déjà ce qu’elle veut.

La fillette tendit les bras. Jonayla hésita puis sourit timidement quand l’enfant s’approcha encore et s’assit. Finalement, Jonayla s’écarta de la Première pour se pencher vers la fillette qui la prit dans ses bras et la posa sur ses genoux.

— Comment elle s’appelle ?

— Jonayla. Et toi ?

— Hollida.

— Tu aimes les bébés, apparemment.

— Ma sœur a une petite fille mais elle est partie dans la famille de son compagnon. Il vient d’une autre Caverne. Je ne l’ai pas vue de tout l’été.

— Et elle te manque ?

— Oui. Je n’aurais pas cru, mais elle me manque.

Ayla avait observé la petite fille dès qu’elle s’était approchée et avait deviné ce qu’elle ressentait. Elle sourit en se rappelant combien elle avait elle aussi désiré un bébé quand elle était plus jeune. Elle songea à Durc, qui devait maintenant avoir à peu près le même âge que la fillette, mais dans le Clan on le considérait sans doute comme plus proche de devenir un adulte. Il grandit, se dit-elle. Elle savait qu’elle ne reverrait jamais son fils, mais elle ne pouvait s’empêcher de penser à lui quelquefois.

Jondalar remarqua l’expression mélancolique de sa compagne qui regardait la fillette jouer avec Jonayla et se demanda ce qui l’attristait. Puis Ayla secoua la tête, sourit, appela Loup et s’approcha du groupe. Si cette petite doit passer du temps auprès de Jonayla, il vaut mieux que je la présente à Loup pour qu’elle n’ait pas peur de lui, décida-t-elle.

Après avoir fini de s’installer, les trois visiteurs retournèrent au premier abri de pierre. Hollida les accompagnait et marchait près de la Première. Les autres enfants couraient devant. Plusieurs personnes se tenaient devant la large entrée et les attendaient, prévenues par les enfants. On préparait également une fête, semblait-il, puisque d’autres Zelandonii s’affairaient autour de feux à cuire. Ayla se demanda si elle n’aurait pas dû troquer sa tenue de voyage pour des vêtements convenant davantage à la circonstance, mais ni Jondalar ni la Première ne s’étaient changés. À leur passage, des gens sortirent de l’abri plus au nord et de ceux situés de l’autre côté de la vallée. Ayla sourit : manifestement, les enfants avaient informé tout le monde.

La dispersion des lieux d’habitation lui fit penser à la Troisième Caverne du Rocher des Deux Rivières et au Rocher aux Reflets de la Vingt-Neuvième. Là-bas, les espaces à vivre s’étendaient sur des terrasses situées l’une au-dessus de l’autre, chacune protégée de la pluie et de la neige par des surplombs. La Cinquième regroupait des abris plus proches du sol, de part et d’autre d’un petit cours d’eau. Mais c’était la proximité de ces divers lieux qui en faisait une seule Caverne. L’idée la traversa que toute la Vingt-Neuvième s’efforçait d’atteindre le même objectif mais avec des abris plus éloignés les uns des autres. Ce qui constituait leur unité, c’était leur zone commune de chasse et de cueillette.

— Salut, leur lança le Zelandoni de la Cinquième lorsqu’ils furent plus près. J’espère que vous trouvez votre abri confortable. Nous allons donner une fête en votre honneur.

— Ce n’est pas nécessaire de prendre cette peine, répondit Celle Qui Était la Première.

Il se tourna vers elle.

— Tu sais bien que tout le monde cherche une excuse pour festoyer. Votre venue nous offre une excellente raison. Nous ne recevons pas souvent la visite de la Zelandoni de la Neuvième Caverne, qui est aussi la Première. Entrez. Tu veux, m’as-tu dit, montrer à ton acolyte les Lieux Sacrés de notre peuple. Eh bien…

Il regarda Ayla, poursuivit :

— Nous vivons dans le nôtre.

En découvrant l’intérieur de l’abri, Ayla s’arrêta, stupéfaite, tant il était coloré. Plusieurs des parois étaient décorées de peintures d’animaux, ce qui en soi n’était pas tellement rare, mais le fond de plusieurs d’entre elles était d’un rouge vif obtenu avec de l’ocre. En outre, la représentation des animaux n’était pas réduite à leur contour ; la plupart étaient totalement peints, avec des couleurs légèrement estompées pour faire ressortir les formes. Une paroi retint particulièrement l’attention d’Ayla. Elle montrait deux bisons exécutés avec raffinement, dont une femelle manifestement grosse.

— Je sais que la plupart des gens peignent ou sculptent les parois de leur abri et considèrent que ces images sont sacrées, mais nous, nous pensons que tout cet endroit est sacré, déclara le Zelandoni de la Cinquième.

Jondalar avait visité la Cinquième Caverne plusieurs fois mais n’avait jamais trouvé les peintures et les gravures de ses abris différentes de celles de la Neuvième. Il n’était pas sûr de comprendre ce qui rendait cet abri plus sacré qu’un autre, même s’il était plus orné et avec davantage de couleurs. Il avait simplement pensé que c’était le style que les membres de la Cinquième préféraient, comme l’attestaient les tatouages et la coiffure recherchés de leur doniate.

Le Zelandoni regarda Ayla et le loup qui se tenait près d’elle, vigilant, puis Jondalar et le bébé – qui, confortablement niché au creux de son bras, observait tout avec intérêt – et enfin la Première.

— Puisque les préparatifs de la fête ne sont pas encore terminés, laissez-moi guider votre visite.

— Volontiers, répondit la Première.

Ils sortirent de l’abri pour pénétrer dans celui qui se trouvait un peu plus au nord et qui en était en fait le prolongement. Il était lui aussi décoré, mais d’une manière très différente, ce qui donnait l’impression de deux abris distincts. Certains animaux étaient peints, notamment un mammouth noir et rouge, d’autres profondément gravés, d’autres encore à la fois peints et gravés. Ayla fut intriguée par plusieurs gravures dont elle n’était pas sûre de comprendre le sens.

Elle s’approcha de la paroi pour mieux les examiner. Elle remarqua des trous en forme de coupe mais aussi des ovales gravés entourés d’un autre ovale et une marque constituée d’un trou se prolongeant par un trait. Elle vit sur le sol, près du panneau, une corne sculptée dont la forme évoquait celle d’un organe masculin. Ayla secoua la tête, regarda de nouveau, esquissa un sourire. C’était bien un membre viril et quand elle examina de nouveau les formes ovales, l’idée lui vint qu’elles représentaient peut-être des sexes féminins.

Elle se retourna vers les autres et fit ce commentaire :

— On dirait des parties d’homme et de femme. Je me trompe ?

Le Zelandoni de la Cinquième hocha la tête en souriant.

— C’est ici que se rassemblent nos femmes-donii, ici aussi que nous célébrons souvent les Fêtes de la Mère, et parfois les Rites des Premiers Plaisirs. J’y réunis également mes acolytes pendant leur formation et ils y dorment. C’est un abri sacré. Voilà ce que je voulais dire en déclarant que nous vivons dans nos Lieux Sacrés.

— Tu y dors aussi ? voulut savoir Ayla.

— Non, je dors dans le premier abri, l’autre partie de celui-ci. Je pense qu’il n’est pas bon qu’un Zelandoni passe tout son temps avec ses acolytes. Ils ont besoin de se détendre, d’échapper un moment à la présence contraignante du maître, et j’ai moi-même d’autres choses à faire, d’autres personnes à voir.

Comme ils retournaient à la première partie de l’abri, Ayla demanda :

— Savez-vous qui a fait ces images ?

Le doniate fut pris au dépourvu : ce n’était pas une question que posaient les Zelandonii. Ces images leur étaient familières, ils les avaient toujours connues, ou ils connaissaient ceux qui en faisaient maintenant d’autres, et personne ne s’interrogeait à ce sujet.

— Pas les gravures, elles sont l’œuvre des Anciens, répondit-il après avoir pris le temps de réfléchir. Mais plusieurs de nos peintures ont été faites par la femme qui a commencé à former Jonokol. Elle était reconnue comme l’un des plus grands artistes de son temps et c’est elle qui a senti le potentiel de Jonokol quand il était encore enfant. Elle a aussi décelé du talent chez l’un de nos jeunes artistes. Elle parcourt à présent le Monde d’Après, malheureusement.

— Qui a sculpté la corne ? demanda Jondalar en indiquant l’objet à la forme phallique, qu’il avait lui aussi remarqué.

— Elle fut transmise au Zelandoni qui m’a précédé, et peut-être même à celui d’avant. Certains aiment l’avoir pendant les Fêtes de la Mère. On l’utilisait peut-être pour expliquer les changements de l’organe masculin. Ou pendant les Premiers Rites, notamment pour les filles qui n’aimaient pas les hommes ou en avaient peur.

Ayla s’efforça de ne pas manifester sa perplexité – ce n’était pas à elle de se prononcer sur le sujet –, mais il lui semblait qu’il devait être déplaisant, voire douloureux, d’utiliser un objet dur plutôt que la chaude virilité d’un homme aimant. Mais c’était sans doute parce qu’elle était habituée à la tendresse de Jondalar. Elle se tourna vers lui.

Il devina à son expression le sentiment qu’elle tentait de masquer et lui adressa un sourire rassurant. Il se demanda si le Zelandoni de la Cinquième n’avait pas inventé une histoire parce qu’il ne savait pas vraiment à quoi servait cette corne. Jondalar était convaincu qu’elle avait dû symboliser quelque chose autrefois, probablement dans le cadre des Fêtes de la Mère puisqu’elle reproduisait un organe mâle en érection, mais sa signification exacte avait sans doute été oubliée.

— Nous pouvons traverser le ruisseau pour aller voir nos autres Lieux Sacrés, proposa le Zelandoni de la Cinquième. Ils sont aussi habités et je pense que vous les trouverez également intéressants.

Ils se dirigèrent vers le petit cours d’eau divisant la vallée et remontèrent jusqu’à l’endroit où ils l’avaient traversé. Deux pierres de gué au milieu du lit leur permirent de passer facilement sur l’autre berge puis ils redescendirent. De ce côté du cours d’eau, plusieurs abris étaient nichés sur le versant de la vallée qui s’élevait vers un promontoire dominant toute la région et constituant un excellent poste d’observation. Ils marchèrent jusqu’au premier, qui se trouvait à deux cents mètres environ de l’endroit où le ruisseau, alimenté par une source, se jetait dans la Rivière.

Lorsqu’ils s’avancèrent sous le surplomb de l’abri, ils furent immédiatement arrêtés par une frise de cinq animaux : deux chevaux et trois bisons, tous tournés vers la droite. Le troisième bison, d’un mètre de long, aux lignes incisées dans la pierre, était particulièrement impressionnant avec son corps massif gravé si profondément que cela devenait presque une sculpture. L’artiste avait utilisé un pigment noir pour accentuer les contours. Plusieurs autres gravures ornaient les parois : des cupules et d’autres animaux, pour la plupart moins profondément gravés.

Les visiteurs furent présentés à plusieurs des Zelandonii qui se tenaient autour d’eux, l’air assez contents d’eux-mêmes. Ils étaient probablement ravis de montrer leur étonnant foyer et Ayla ne leur en faisait pas reproche : il était exceptionnel. Après avoir longuement admiré les gravures, elle regarda le reste de l’abri. À l’évidence, un bon nombre de personnes y vivaient, même si elles ne s’y trouvaient pas toutes en ce moment. Comme la plupart des Zelandonii, elles profitaient de l’été pour quitter leur Caverne : rendre des visites, pratiquer la chasse et la cueillette, se procurer des matériaux qu’elles utiliseraient pour fabriquer des objets.

Ayla remarqua une zone qu’avait récemment quittée quelqu’un qui travaillait l’ivoire, à en juger par les matériaux disséminés autour. Elle regarda attentivement, vit des objets à divers stades de fabrication. On avait d’abord détaché des défenses des morceaux en forme de tige, empilés ensemble. Deux de ces tiges avaient été divisées en sections, taillées ensuite pour obtenir deux segments arrondis reliés l’un à l’autre par une partie plate. Puis on avait percé celle-ci au-dessus de chaque rond et on l’avait coupée pour obtenir deux perles, qu’il faudrait polir pour leur donner leur forme définitive de panier arrondi.

Un homme et une femme, tous deux d’âge mûr, s’approchèrent d’Ayla qui, accroupie pour mieux examiner les objets, se gardait bien de les toucher.

— Ces perles sont remarquables, dit-elle. C’est vous qui les avez faites ?

— Oui, je travaille l’ivoire, répondirent-ils en même temps, riant aussitôt de ce chœur involontaire.

Quand Ayla leur demanda combien de temps ils avaient mis pour faire ces perles, ils lui expliquèrent qu’un artisan avait de la chance s’il parvenait à finir cinq ou six perles de l’aube au moment où le soleil était au plus haut dans le ciel. Il s’arrêtait alors pour le repas de midi. La fabrication d’un collier prenait, selon sa longueur, quelques jours ou une lune ou deux.

— Cela a l’air difficile, dit Ayla. Avoir sous les yeux les diverses étapes par lesquelles il a fallu passer me fait apprécier plus encore ma tenue de Matrimoniale. Elle est brodée de nombreuses perles.

— Nous l’avons admirée, elle est magnifique ! s’exclama la femme. Nous sommes allés la voir après la cérémonie, quand Marthona l’a exposée. Les perles sont extrêmement bien faites, avec une technique différente, je crois. On perce la perle d’un bout à l’autre, peut-être en forant des deux côtés. C’est très difficile à faire. Si je peux me permettre, d’où te vient cette tenue ?

— J’ai fait partie des Mamutoï – un peuple qui vit loin à l’est – et la compagne de leur Homme Qui Commande me l’a offerte. Elle s’appelait Nezzie du Camp du Lion. Elle pensait alors que j’allais m’unir au fils de la compagne de son frère. Lorsque j’ai changé d’avis et décidé de partir avec Jondalar, elle m’a dit de la garder pour le jour où je m’unirais à lui. Elle avait beaucoup d’affection pour Jondalar.

— Pour lui et pour toi, souligna l’homme.

Il pensa que ce vêtement était non seulement beau mais très précieux. Il comprenait mieux le statut accordé à cette jeune femme bien qu’elle ne fût pas née zelandonii, comme le prouvait son accent.

— C’est sans nul doute l’une des tenues les plus splendides que j’aie jamais vues, ajouta-t-il.

— Nos hôtes fabriquent aussi des perles et des colliers avec des coquillages provenant des Grandes Eaux de l’Ouest et de la Mer Méridionale, précisa la Première. Ils sculptent des pendants d’ivoire et percent des dents d’animaux, en particulier des dents de renard et de brillantes canines de cerf. Même les membres d’autres Cavernes veulent en porter.

— J’ai grandi près d’une mer, loin à l’est. J’aimerais voir vos coquillages, demanda Ayla.

L’homme et la femme – elle n’aurait su dire si c’était un couple, ou un frère et une sœur – s’empressèrent d’apporter des sacs pour montrer leurs richesses. Il y avait des centaines de coquillages, petits pour la plupart, globulaires comme des bigorneaux ou allongés comme des dentales, qu’on pouvait coudre sur des vêtements ou monter en colliers. Il y avait aussi des coquilles Saint-Jacques mais, pour l’essentiel, ces coquillages provenaient d’animaux non comestibles, ce qui signifiait qu’on les avait ramassés pour leur seule valeur décorative. Pour les obtenir, l’homme et la femme s’étaient rendus eux-mêmes sur des côtes lointaines ou les avaient troqués avec des voyageurs. Le temps investi pour acquérir des objets uniquement destinés à l’ornementation impliquait qu’en tant que société les Zelandonii ne vivaient pas au bord de la survie mais dans l’abondance. Selon les coutumes et les pratiques de leur époque, ils étaient prospères.

Jondalar et la Première s’approchèrent pour voir ce que l’homme et la femme avaient déployé devant Ayla et bien que connaissant le statut particulier de la Cinquième Caverne, dû à ses fabricants de bijoux, ils furent stupéfaits. Ils ne purent s’empêcher de faire dans leur esprit la comparaison avec la Neuvième et conclurent que leur Caverne était riche elle aussi, d’une manière légèrement différente. En fait, la plupart des Cavernes zelandonii l’étaient.

Le doniate de la Cinquième les conduisit à un autre abri proche, lui aussi remarquablement décoré, essentiellement par des gravures de chevaux, de bisons, de cerfs, et même d’une partie de mammouth, aux contours souvent relevés à l’ocre rouge et au manganèse noir. Les bois d’un cerf gravé, par exemple, étaient entourés d’une ligne noire tandis qu’un bison était en grande partie peint en rouge. Les visiteurs furent de nouveau présentés aux Zelandonii qui se trouvaient dans l’abri et Ayla remarqua que les enfants qui s’étaient attroupés devant le leur, situé du même côté du ruisseau, étaient de nouveau présents. Elle reconnut plusieurs d’entre eux.

Soudain elle se sentit prise de vertige et de nausée. Sans pouvoir expliquer pourquoi, elle éprouva une irrésistible envie de quitter l’abri.

— J’ai soif, prétendit-elle en se dirigeant vers la sortie, je vais au ruisseau.

— Pas la peine de sortir, dit une femme derrière elle. Nous avons une source à l’intérieur.

— Nous devons retourner de l’autre côté, de toute façon, argua le Zelandoni de la Cinquième. Le repas est sans doute prêt et j’ai faim. Vous aussi, je suppose.

 

 

Ils revinrent à l’abri principal – ou à ce qu’Ayla considérait comme tel – et découvrirent le festin qui les attendait. Bien qu’on eût disposé des récipients supplémentaires pour les visiteurs, Ayla et Jondalar tirèrent de leur sac leurs bols, coupe et couteau personnels. La Première fit de même. Ayla prit le bol à eau de Loup, qui lui servait aussi à manger au besoin et elle songea qu’elle devrait bientôt fabriquer un plat pour Jonayla. Même si elle avait l’intention de lui donner le sein jusqu’à ce qu’elle compte au moins trois années, elle lui ferait goûter à d’autres nourritures longtemps avant cet âge.

Quelqu’un avait récemment abattu un aurochs : un cuissot rôti à la broche au-dessus des braises constituait le plat principal. Depuis quelque temps, on ne voyait d’aurochs qu’en été mais c’était l’un des plats préférés d’Ayla. Sa chair ressemblait à celle du bison, en plus savoureuse. Ces animaux avaient des cornes rondes, incurvées et terminées en pointes, qu’ils ne perdaient pas chaque année comme les cerfs perdaient leurs bois.

Il y avait aussi des légumes d’été : tiges de laiteron, ansérine cuite, pas-d’âne et feuilles d’ortie à l’oseille, primevères et pétales de rose dans une salade de jeunes pissenlits et de trèfle. Des fleurs odorantes de reine-des-prés donnaient une douceur de miel à une sauce de pommes et de rhubarbe servie avec la viande. La salade de fruits d’été ne réclamait en revanche aucun ajout sucré. On avait mélangé des framboises, une variété de mûre précoce, des cerises, du cassis, des baies de sureau et des prunelles patiemment dénoyautées. Une tisane de feuilles de rose termina ce succulent repas.

Lorsque Ayla mit dans le bol de Loup l’os encore entouré d’un peu de viande qu’elle lui avait choisi, l’une des femmes lança à l’animal un regard indigné et une autre déclara inconvenant de donner à un loup de la nourriture destinée aux humains. La première approuva de la tête. Ayla avait remarqué que toutes deux avaient regardé le chasseur à quatre pattes avec une vive appréhension plus tôt dans la journée. Elle avait eu l’intention de présenter l’animal aux deux femmes pour apaiser leurs craintes, mais elles avaient délibérément évité l’étrangère et son ami.

Après le repas, on rajouta du bois dans le feu pour qu’une lumière plus forte repousse l’obscurité envahissante. Ayla donnait le sein à Jonayla en buvant une tisane chaude en compagnie de Jondalar, de la Première et du Zelandoni de la Cinquième. Un groupe approcha, avec notamment Madroman, qui se tenait légèrement en retrait. Ayla reconnut quelques autres et comprit que c’étaient les acolytes de la Caverne qui souhaitaient probablement passer un moment avec Celle Qui Était la Première.

— J’ai fini de relever les Soleils et les Lunes, annonça une jeune femme.

Ouvrant la main, elle montra une petite plaque d’ivoire couverte de marques étranges. Le Zelandoni de la Cinquième la prit, la regarda soigneusement, la retourna, examina même les bords et sourit.

— Sur presque une demi-année, dit-il en passant la plaque à la Première. C’est mon troisième acolyte, elle a commencé le relevé à cette même période l’an dernier. Nous avons mis de côté la plaque portant sur la première moitié.

La doniate obèse étudia l’objet avec autant de minutie mais moins longtemps.

— Ta méthode de relevé est intéressante, fit-elle observer. Tu montres les changements par la position des marques et les croissants par des marques incurvées pour deux des lunes relevées. Les autres sont indiquées autour du bord et au revers. Excellent.

L’éloge amena un sourire radieux sur les lèvres de la jeune femme.

— Tu pourrais peut-être l’expliquer à mon acolyte, poursuivit la Première. Elle n’a pas encore appris à marquer les Soleils et les Lunes.

— J’aurais cru le contraire, répondit le troisième acolyte de la Cinquième Caverne. J’ai entendu dire qu’elle est réputée pour sa connaissance des remèdes et qu’elle a un compagnon. Je ne connais pas beaucoup d’acolytes, ni même de Zelandonia, qui se sont unis et ont des enfants.

— La formation d’Ayla est inhabituelle. Comme tu le sais, elle n’est pas née zelandonii et n’a donc pas acquis son savoir dans le même ordre que nous. C’est une guérisseuse exceptionnelle, elle a commencé jeune, mais elle entame seulement son Périple de Doniate et n’a pas encore étudié la façon de marquer les Soleils et les Lunes.

— Je serai heureuse de la lui expliquer, dit l’acolyte en s’asseyant à côté d’Ayla.

Celle-ci était plus qu’intéressée. Elle entendait parler pour la première fois de marquer les Soleils et les Lunes, elle ignorait que c’était une des tâches qu’elle aurait à remplir dans le cadre de sa formation.

— Tu vois, tu fais une marque chaque nuit, dit l’acolyte de la Cinquième en montrant les entailles gravées dans l’ivoire avec une pointe de silex. Comme j’avais déjà relevé la première partie de l’année sur une autre plaque, j’ai eu une idée pour garder trace d’autre chose que le simple compte des jours. J’ai commencé juste avant la nouvelle lune et j’ai essayé d’indiquer où la lune se trouvait dans le ciel avec cette première marque, là.

Elle indiqua une entaille située au milieu d’autres apparemment faites au hasard.

— Les nuits suivantes, il a neigé, une vraie tempête qui a caché la lune et les étoiles, mais je n’aurais pas pu voir la lune, de toute façon. C’était le moment où Lumi fermait son grand œil. La fois suivante où je l’ai vu, il n’était qu’un mince croissant, il s’éveillait, et j’ai tracé une marque incurvée ici.

Ayla suivit la direction que la jeune femme indiquait et constata avec surprise que ce qu’elle avait d’abord pris pour un trou fait par une pointe était en réalité une petite ligne courbe. Elle examina plus attentivement le groupe de marques et, soudain, elles ne lui semblèrent plus faites au hasard. On pouvait y déceler une certaine disposition et elle attendit la suite avec intérêt.

— Puisque le moment du sommeil de Lumi est le commencement d’une lune, c’est à cet endroit, sur la droite, que j’ai décidé de revenir en arrière pour marquer la série suivante de nuits, continua le troisième acolyte. Là, c’était le premier œil-mi-clos, qu’on appelle aussi la première demi-face. Elle grossit ensuite jusqu’à devenir pleine. C’est difficile de déterminer le moment précis où elle l’est parce qu’elle paraît pleine pendant plusieurs jours, alors, c’est là, à gauche, que je suis repartie dans l’autre sens. J’ai tracé quatre marques incurvées, deux dessous et deux dessus. J’ai poursuivi jusqu’à la deuxième demi-face, quand Lumi recommence à fermer son œil, et tu remarqueras que c’est juste au-dessus de la première demi-face.

« J’ai continué jusqu’à ce que son œil soit de nouveau fermé… Tu vois, là, à droite, où j’ai descendu en incurvant ? Toute la ligne avec le premier retour à droite. Essaie de le suivre. Je fais toujours les retours quand Lumi est pleine face, sur la droite, ou quand il dort, sur la gauche. Tu verras que tu peux compter deux lunes, plus une moitié. Je me suis arrêtée à la première demi-face après la deuxième lune. J’ai attendu que Bali comble son retard. C’était le moment où le soleil parvient à son point le plus au sud, reste quelques jours immobile puis repart vers le nord. C’est la fin du Premier Hiver et le début du Second, lorsqu’il fait plus froid mais que le retour de Bali nous est promis.

— C’est fascinant ! fit Ayla. Tu as trouvé cette méthode toute seule ?

— Pas exactement. D’autres Zelandonia m’ont montré comment ils marquaient et j’ai vu aussi à la Quatorzième Caverne une plaque très ancienne. Elle n’était pas tout à fait marquée de la même façon, mais elle m’a donné l’idée de ma méthode quand est venu mon tour de relever les Soleils et les Lunes.

— Une idée remarquable, estima la Première.

 

 

Il faisait nuit noire quand ils regagnèrent leur abri. Ayla tenait dans ses bras son bébé endormi, enveloppé dans la couverture à porter, Jondalar et la Première avaient tous deux emprunté une torche pour éclairer le chemin.

À l’approche du refuge réservé aux visiteurs, ils passèrent devant plusieurs des autres abris qu’ils avaient vus à l’aller, et lorsqu’ils parvinrent à celui où Ayla s’était sentie mal, elle frissonna et pressa le pas.

— Que se passe-t-il ? lui demanda son compagnon.

— Je ne sais pas. Je me suis sentie bizarre toute la journée. Ce n’est probablement rien.

En arrivant à leur abri, elle découvrit que les chevaux tournaient en rond devant l’entrée au lieu d’être restés dans le vaste espace qu’elle leur avait réservé à l’intérieur.

— Pourquoi sont-ils sortis ? Ils sont agités depuis ce matin, c’est peut-être ce qui me tracasse.

Au moment où ils pénétraient dans l’abri et se dirigeaient vers leur tente, Loup hésita, s’assit sur son train arrière et ne les suivit pas.

— C’est au tour de Loup, maintenant. Qu’est-ce qu’il a ?

Le Pays Des Grottes Sacrées
titlepage.xhtml
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_023.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_024.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_025.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_026.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_027.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_028.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_029.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_030.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_031.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_032.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_033.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_034.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_035.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_036.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_037.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_038.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_039.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_040.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_041.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_042.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_043.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_044.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_045.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_046.html
Auel,Jean M-[Enfants de la terre-6]Le pays des grottes sacrees(2011).French.ebook.AlexandriZ_split_047.html